Art thérapie co-créative à Grand Bassam
Les ateliers mis en place favorisent les situations de communication. Lorsque la consigne a été comprise par toutes (Merci Bardèche, maitresse des CE2) et que les dessins ont été réalisés, cela ouvre une porte sur leur monde intérieur. Ici, ce sont des mouvements de tête ou quelques mots chuchotés à la va-vite qui nourrissent l’échange. Du moins pour certaines parmi les élèves de l’école de l’orphelinat. De ces mots perçus très vite, juste avant qu’ils ne s’éteignent, il ressort une perte, un deuil, une grande tristesse, une peine tout juste évoquée avant de la ravaler ou de remettre le masque du sourire.
Les symboles du deuil foisonnent dans les dessins : nous sommes dans un orphelinat. Kéni me montre une moitié de petit personnage enfoncé dans un carré de terre. Elle me dit en riant : « c’est quelqu’un qui est dans la terre ». Je lui réponds : « Ah bon, comme quelqu’un d’enterré, quelqu’un qui est mort? ». Elle hoche la tête et ne rit plus. « Il y a quelqu’un qui est mort qui est proche de toi? » « Ma maman », chuchote -t-elle, puis elle détourne la tête pendant les cinq secondes qui seront accordées au passage de l’émotion, pas une de plus. Comme si elle en avait honte, comme une maladie que l’on n’a pas choisi et que l’on doit taire. « Tu veux faire un dessin pour elle? » Elle y a consacré le reste de la séance.
Pour beaucoup de ces jeunes filles, le trauma a laissé une forte trace dans la psyché et se lit dans beaucoup de dessins par la perte de stabilité et de repères. L’ordre naturel des choses a été perturbé, bousculé : le sol apparait rarement, les éléments s’empilent ou se succèdent sans logique apparente.
A l’issue de la première série d’ateliers, nous avons proposé aux élèves de réaliser de petites fresques à plusieurs en prenant soin de placer le sol en bas, le ciel en haut, le soleil dans le ciel, les fleurs plantées dans la terre, les personnages ou les maisons posées sur le sol. Ce travail a nécessité un accompagnement vigilant et a permis des réalisations riches et foisonnantes qui ont réveillé les murs de la classe.
Sylvie Lamoure