Ce dessin tout simple et inachevé est un pas de géant!
Au cours de ces trois jours au CHUM, nous avons accompagné 22 jeunes, 152 dessins ont été réalisés, les élèves les plus jeunes étant les plus prolifiques.
Si le premier jour a été le jour de l’arc-en-ciel, le deuxième a pris une autre tonalité et les dessins ont été les supports d’expression d’émotions ou de situations beaucoup plus lourdes (souvenirs de la route, faits de violence, peur…). C’était autorisé, ils s’en sont saisi. Quand le verbal fait défaut, la couleur et les formes peuvent prendre le relai et raconter le monde, la vie ou soi-même tels qu’on les voit ou qu’on les ressent, de là où l’on se situe, et non tels qu’il faut ou faudrait les voir et les ressentir. L’art-thérapie co-créative soutient le processus psychologique d’individualisation, cette légitimité à être soi-même, ce droit d’exister. Le dessin spontané le permet.
Ce qui est extraordinaire dans ces ateliers, c’est de voir au troisième jour l’énergie vitale se réveiller, la ressource psychique émerger et un renouveau s’opérer. Beaucoup de jeunes savent ce qui est bon pour eux, et après avoir déposé la souffrance sur le papier, puis après avoir déchiré ces dessins, une ouverture se présente à eux et le vivant, la pulsion de vie les pousse vers des représentations réparatrices et bienfaisantes. La nature est célébrée et la joie se manifeste. Certains jeunes ont besoin d’être guidés vers des modèles nouveaux auxquels ils n’ont pas eu accès jusque-là : des symboles de joie, de légèreté, d’imagination, de protection ou d’estime de soi par exemple.
Le dessin ci-dessus est arrivé en tout dernier et nous a beaucoup surprises car les quatre dessins précédents avaient été de très forts dépôts d’effroi, de violence, d’enfermement dans la souffrance. La petite fille avait passé une grande partie des séances précédentes à recouvrir les feuilles de traits saccadés d’une seule couleur, ne laissant aucun espace vierge. Elle était absorbée par ce travail. Le deuxième jour, elle avait dessiné son prénom entouré de dents menaçantes. Puis, en suivant l’exemple d’une stagiaire qui dessinait elle-même son prénom en l’agrémentant de symboles agréables (fleurs, volutes, couleurs douces…), la petite fille a dessiné un prénom différent, plus léger et joyeux. Elle l’a spontanément entourer d’une sorte de couronne de protection qui laissait la menace à l’extérieur. Et le troisième jour, ce dernier dessin est arrivé, certes inachevé, en cours de construction, mais s’appuyant sur des bases complètement différentes, sur une référence à la nature qui apporte espoir et harmonie.